Critiques de la Ballade de Fronin

1) Vous trouverez ci-dessous la critique de Jeanne Corvellec sur la ballade de Fronin, qu’elle avait fait paraître sur un blog aujourd’hui disparu.

Jeanne est une ancienne éditrice et une autrice spécialisée dans la romance qui réside au Québec. Je ne peux que vous encourager (et ce n’est pas qu’un retour d’ascenseur) à découvrir ses écrits et son blog.


Ma note : 5/5

Pour relancer ce blog sous sa nouvelle version, je vous propose une chronique retouchée d’un coup de cœur auquel je ne m’attendais pas : La Ballade de Fronin, d’Etienne Bar (et Face aux démons, un roman indépendant, mais qui se situe dans la suite chronologique du premier).

Ballade de Fronin aux Editions Stellamaris

J’ai gardé ce roman dans ma liseuse près de trois ans avant de le lire, car je n’étais pas sûre de l’aimer. En 2013, j’avais lu une nouvelle de l’auteur (située dans le même univers, mettant en scène un personnage qu’on retrouve dans La Ballade) et elle ne m’avait pas conquise. Ensuite, il s’agissait d’autoédition, en français qui plus est (les deux romans ont depuis été réédités chez Stellamaris). Enfin, les avis que j’avais lus sur Face aux démons et la présentation que l’auteur lui-même en faisait me faisaient craindre le pire.

Les avis en question étaient pourtant unaniment positifs. Sauf que cela ne veut rien dire, surtout en autoédition. De plus, je me méfie d’office de tout texte qui se prétend radicalement original, différent des romans à succès du même genre, qui défie les clichés, etc. Moi, j’aime la littérature de genre, qu’il s’agisse de romance, de fantasy, de SF ou de policier, justement parce que, d’un titre à l’autre, on retrouve des trucs typiques, des trucs que j’aime, précisément, et dont je ne me lasse pas.

Par bonheur, La Ballade de Fronin a beau être originale, rafraîchissante, je vous rassure : ce n’en est pas moins de la bonne vieille fantasy comme on l’aime, comme je l’aime. Certes, la fantasy n’est pas un genre uniforme; depuis le temps, elle a évolué en plusieurs styles parfois très distincts. Et les romans d’Etienne Bar ne correspondent sans doute pas à la mode actuelle, ce qu’on appelle la grimdark fantasy, avec ses morts à foison et ses personnages moralement ambigus. Pour autant, on n’est pas privé de nos repères med-fan : des elfes, des nains et des dragons, sans oublier un héros pur et bien intentionné qui s’embarque dans une quête dont il ignore au départ le but, et qui découvre en passant qu’il possède un don particulier…

Cela dit, ce n’est pas que de la bonne fantasy. C’est davantage. Les aventures se succèdent de façon passionnante et ça se lit tout seul, mais, surtout, surtout, je dirais que ce roman a le pouvoir magique de vous rendre heureux. En romance, on parle parfois de « romance doudou »; eh bien, j’ai découvert avec La Ballade de Fronin qu’il existait aussi de la fantasy doudou! On s’y réfugie comme dans un cocon, on ressent à la lire quelque chose de chaud et d’agréable autour du cœur, et on se surprend à y rêvasser au cours de la journée avec des petits soupirs de contentement.

En effet, Libreterre, la plus vaste île des Folandes, où se déroule l’intrigue, est une utopie. Or, depuis plusieurs années, la mode est plutôt à son inverse, la dystopie. Ça nous change, et j’avoue que ça fait du bien!

Dans La Ballade de Fronin, il y a des ennemis méchants, très méchants, mais ils sont tous humains. Et ce qui est merveilleux sous la plume d’Etienne Bar, c’est que, pour une fois, on questionne l’opposition « nous »/« eux » (sans toutefois tomber dans la facilité et l’insignifiance du « tout est gris », que je vomis par ailleurs).

Je ne sais pas si vous aviez remarqué, mais, en fantasy et en SF, le rôle des méchants échoit souvent à des personnages non-humains ou, du moins, dont on a effacé les caractéristiques humaines : des orcs, des démons, des zombies, des stormtroopers qui n’ont pas de visage et ressemblent à des robots… Ces personnages ne sont pas juste non-humains, ils sont fondamentalement, par nature, mauvais. Ils sont une incarnation du Mal, de la mort. Ça permet aux « gentils » de les dégommer sans hésitation ni mauvaise conscience.

Entendez-moi bien : ça ne me gêne pas en soi — dans un univers imaginaire, on a le droit de tout inventer. Mais pourquoi est-ce si fréquent? Est-ce que ça ne reflète et n’entretient pas, au moins un peu, cette idée qu’il existe, qu’il peut exister, y compris dans notre monde réel, une guerre juste, une mort méritée? L’idée aussi que, face à un adversaire violent et destructeur, la seule solution est de lui faire tomber une ou deux bombes bien senties sur la tête, de lever une armée et de produire des armes, toujours plus d’armes, toujours plus subtiles?

En sortant de la séance cinéma de Star Wars: The Force Awakens, je songeais justement : on a besoin d’une histoire qui serait à la fois épique et pacifique. Qui ne glorifie pas la guerre, sans pour autant tomber dans l’inaction ou l’angélisme. Qui en jette, sans avoir à recourir aux explosions et au sang. Eh bien, on dirait que ma prière a été exaucée avec La Ballade de Fronin! Un livre à mettre entre toutes les mains, vraiment.

Face aux démons

Face aux démons est un peu différent. D’abord dans sa narration, puisqu’on a droit cette fois à une ribambelle de points de vue, alors que La Ballade se concentrait sur Fronin et Néalanne. Ensuite, parce que ma réflexion précédente ne s’y applique pas autant, la faute aux sangrelins et aux… eh bien, aux démons du titre.

Et peut-être que je l’ai un peu moins aimé que La Ballade, même je ne suis pas sûre au juste pourquoi. Mais ça n’en reste pas moins une très bonne lecture, où on retrouve avec plaisir les personnages qu’on a aimés dans le roman précédent, les questions de stratégie géopolitique et les rebondissements incessants.

En conclusion, ne faites pas comme moi : ne vous laissez pas influencer par vos préjugés et n’attendez pas trois ans. Achetez et dévorez ces livres tout de suite!


2) Une critique de Stéphane Gallay parue sur son blog Alias.erdorin.org :

… Étienne Bar a réussi à mettre sur pied un monde plutôt cohérent où une telle utopie apparaît suffisamment crédible pour qu’on n’y regarde pas trop sous le nez. Le fait que l’histoire se concentre sur des personnages complexes et sympathiques aide aussi beaucoup. Le principe de faire des histoires épiques en évitant un maximum les grandes batailles l’épée au clair est solide…


3) Une autre de  (vraiment enthousiaste malgré un a-priori sans entohousiasme) de l’association les portes de l’imaginaire :

…Ce roman fait surtout réfléchir, alors que le héros a grandi dans un monde patriarcal et belliciste, il découvre qu’en fait, ce mode de pensée n’est pas la généralité dans les Folandes et que ce sont les idéaux utopistes qui sont la norme. Si les auteurs de fantasy ont surtout su aller dans la surenchère de tripes, de sang et de luxure, l’utopie fantasy présentée ici est rafraîchissante et pose finalement une simple question : et si un grand pouvoir magique était entre les mains d’une communauté qui met la vie, la paix et l’harmonie avant tout autre chose ?

Et encore une fois, non ! Ce n’est pas parce que les Edrulains sont pacifistes et qu’ils refusent d’utiliser la violence que ce roman vous sert une fable gnangnan. Il se passe des choses, les héros affrontent de nombreux dangers, Fronin va être constamment face à des dilemmes entre son éducation stricte de Borénan borné pleine de convenances et de non-dits et ses envies de liberté…